Traitement de l’apnée du sommeil

Traiter l’apnée du sommeil et le ronflement par orthèse dentaire

La santé au quotidien

On demande de plus en plus souvent aux médecins ce qu’est une orthèse dentaire qui peut régler les problèmes de ronflement et d’apnée du sommeil.
  • D’où viennent ces orthèses ? Quel est leur principe ?
  • Quelles sont les indications ? Sont-elles efficaces ?
  • La RAMQ rembourse-t-elle leur coût dans les cas d’apnée ? Et dans le cas du ronflement ?
  • Cas 1 : Le patient ronfleur
  • Cas 2 :Le patient qui présente un échec au nCPAP
  • À qui adresser ces patients ?

Bref historique du traitement de l'apnée du sommeil

Le premier appareil dentaire contre le ronflement et l’apnée a été inventé par Charles Samelson, un psychiatre de Chicago, à la fin des années 1970. Le Dr Samelson cherchait à régler son propre problème de ronflement. Son épouse, une pianiste, se plaignait que le bruit généré par le ronflement nuisait à « son oreille musicale ». Ce bruit lui causait de la fatigue durant la journée. Le Dr Samelson fabriqua, à partir de cire d’abeille, des moules de sa langue qui par succion tiraient sur cette dernière, ce qui gardait les voies respiratoires ouvertes durant le sommeil. La cire d’abeille fut bientôt remplacée par du latex et des recherches furent entreprises au Rush University Medical School. Les résultats furent présentés en 1982 à la même réunion scientifique où le Dr Colin Sullivan introduisit la pression positive continue ou nCPAP (Nasal Continuous Positive Airway Pressure), dans son article publié dans le New England Journal of Medicine, en 1981. La technique de la pression positive continue consiste en l’application à l’aide d’un compresseur d’un niveau de pression d’air par l’intermédiaire d’un masque appliqué de manière étanche sur le nez.

Indications, contre-indications et efficacité

Selon la Société canadienne de thoracologie, les orthèses dentaires sont indiquées dans le traitement du ronflement simple, dans les cas légers à modérés d’apnée obstructive du sommeil ainsi que dans les cas d’échec de traitement de l’apnée avec nCPAP. Depuis la publication des nouvelles normes de traitement de l'apnée du sommeil, en 2005, l’orthèse dentaire représente, avec le nCPAP, un traitement de première ligne pour les patients apnéiques modérés, ce qui représente un progrès impressionnant si l’on considère l’usage marginal qu’on en faisait il y a 15 ans, alors que l’orthèse dentaire n’était presque uniquement considérée que pour les échecs de la thérapie par pression positive continue. Il est possible de fabriquer une orthèse pour tous les types de bouches, que le patient ait toutes ses dents ou qu’il soit totalement édenté. Idéalement, le patient devra bien respirer par le nez. Un patient avec un nez bouché se plaindra parfois d’avoir la bouche sèche durant la nuit, une situation qui s'avère plutôt inconfortable. Une consultation chez l’oto-rhino-laryngologiste est parfois nécessaire pour optimiser le passage de l’air par le nez. Lorsque des patients présentent des problèmes de douleur aux mâchoires ou à l’articulation temporo-mandibulaire, ils sont avertis des risques d’aggravation de leur situation par le port d’un appareil dentaire. Cependant, on observe très souvent une amélioration de leur situation dès le début du traitement.
Une des raisons qui expliquerait ce phénomène est le lien qui existe entre certains patients souffrant d’apnée du sommeil et le bruxisme (grincement des dents), phénomène qui entraîne une surutilisation des muscles masticateurs. Ainsi, on pense qu’en améliorant la respiration du patient, on diminue cette habitude nocive dans certains cas, ce qui réduit le stress porté sur l’appareil masticateur. Si chaque modèle d’orthèse dentaire (voir aussi traitement par CPAP ) est différent, le principe de base est le même : exercer une traction sur les tissus autour des voies respiratoires pour les dégager et permettre ainsi un meilleur passage de l’air. On note aussi que le port d’une orthèse dentaire peut amener à moyen-long terme un mouvement des dents entraîné par la pression exercée par l’orthèse sur la dentition. Ce mouvement est souvent marginal, sauf chez les patients qui ont préalablement subi un traitement orthodontique. On enseigne des exercices de la mandibule à faire le matin pour diminuer les risques de déplacement des dents. Fait à noter, il a été démontré que même les masques de nCPAP peuvent faire bouger les dents en s’appuyant sur l’arcade dentaire supérieure.

Le principe de l’appareil

Depuis 1982, une multitude d’appareils ont été introduits pour le traitement de l’apnée. En fait, plus de 80 modèles différents sont présentement sur le marché. Si chaque modèle est différent, le principe de base est le même : exercer une traction sur les tissus autour des voies respiratoires pour les dégager et permettre ainsi un meilleur passage de l’air. Si l’appareil du Dr Samelson tirait sur la langue, la plupart des nouveaux modèles s’accrochent sur la mandibule et la tirent vers l’avant en s’appuyant sur le maxillaire supérieur.

L’efficacité de l’appareil

Le taux de succès avec le port d’une orthèse dentaire varie selon plusieurs critères. S’il s’agit d’un patient ronfleur, certaines études ont montré des taux de succès allant jusqu’à 95 %. Ainsi, dans 95 % des cas, on élimine le ronflement complètement ou on le réduit à un niveau très acceptable. Dans le cas de patients souffrant d’apnée obstructive, le taux de succès est moindre. Il varierait entre 50 % et 80 % selon les études. Cet écart est attribuable aux critères de ce qu’on considère comme un succès ou aux critères de sélection ou d’exclusion qui diffèrent d’une étude à l’autre. Par exemple, des études européennes incluront une population plus mince par rapport aux études américaines qui acceptent des candidats dont le poids est plus élevé. Et l’on sait que le poids, et non l’indice de masse corporelle, influence directement la réponse au traitement par l’orthèse dentaire. Il en ressort donc que plus un candidat est mince, plus son index d’apnée-hypopnée est faible, plus la circonférence de son cou est petite et plus sa mâchoire est reculée, meilleure est sa chance d’être traité avec succès par une orthèse dentaire. Le sexe du patient est aussi un facteur pronostique important, puisque les femmes répondent mieux que les hommes au traitement par une orthèse buccale. Un patient qui respire bien par le nez a aussi de meilleures chances de bien tolérer l’orthèse. Il est important de noter qu’on a obtenu de très bonnes réponses au traitement chez certains patients dont le pronostic était moyen ou faible. Par ailleurs, une étude du Dr Allan Lowe de l’Université de la Colombie- Britannique a comparé l’efficacité du traitement par le nCPAP à celle du traitement par une orthèse buccale. En tenant compte de l’observance au traitement qui est très supérieure avec l’orthèse dentaire par rapport au nCPAP, le Dr Lowe a déterminé que l’efficacité était comparable.

Le coût de l’appareil

Bien qu’on puisse assez bien évaluer le pronostic d’un traitement par une orthèse dentaire à partir des facteurs décrits plus haut, il est impossible de déterminer avec certitude si son utilisation sera couronnée de succès. Il s’agit d’ailleurs du principal problème lié à cet appareil, puisque le patient doit débourser un certain montant sans savoir si le traitement donnera les résultats voulus. Jusqu’à maintenant, seul l’État français couvre ce genre d’appareil, mais il semble que Medicare aux États-Unis soit aussi sur le point d’assurer le coût de ce traitement. Plusieurs assurances privées couvrent le coût de l’appareil. La couverture est assurée par la partie médicale de l’assurance du patient, l’assurance dentaire ne couvrant généralement pas ce type de soin. Souvent, l’assureur couvrira le nCPAP ou l’orthèse buccale selon le choix du patient. De façon générale, on estime que le traitement est un succès si on assiste à une normalisation des événements obstructifs par heure chez le patient apnéique. On commence à s’apercevoir toutefois que même en l’absence d’une réduction adéquate du nombre d’épisodes d’apnée et d’hypopnée par heure de sommeil, on assiste à une réduction de l’hypersomnolence diurne ainsi qu’à une amélioration de la qualité de vie des patients, facteurs qui, jusqu’à récemment, avaient moins de poids dans l’évaluation du succès dans le traitement de l’apnée.

Le ronflement

Le ronflement se produit lorsqu’un son est émis par la vibration des tissus des voies respiratoires chez une personne qui dort. Bien que le ronflement soit un problème d’abord social, les études tendent à démontrer qu’il s’agit de beaucoup plus qu’une nuisance. En termes de bruit, les recherches indiquent qu’un ronfleur peut produire des sons allant jusqu’à 69 décibels. Quand on sait qu’un marteau-piqueur produit des sons allant de 70 à 90 décibels, il n’est pas étonnant que les conjoints de ronfleurs dorment en moyenne une heure de moins par nuit que les conjoints de non-ronfleurs. Fait intéressant, la revue Sleep a publié en 2008 une étude qui nous apprend que chez les ronfleurs graves, les risques sont accrus de 40 % de souffrir d’hypertension, de 34 % de faire une crise cardiaque et de 67 % d’avoir un accident vasculaire cérébral par rapport aux gens qui ne ronflent pas. Ces résultats suggèrent au clinicien de considérer le ronflement beaucoup plus sérieusement.

Conclusion

Malgré les efforts constants déployés par la communauté médicale pour faire connaître, diagnostiquer et traiter l’apnée du sommeil, les études épidémiologiques évaluent que la grande majorité des apnéiques ne sont pas encore diagnostiqués. On peut donc s’attendre à ce que les médecins rencontrent de plus en plus de patients apnéiques dans leur pratique. Avec les nouvelles directives de la Société canadienne de thoracologie, le médecin sera amené à rencontrer de plus en plus de patients apnéiques qui utiliseront des orthèses dentaires dans le traitement de l’apnée et du ronflement. Il rencontrera aussi des patients traités par un compresseur qui voudront essayer une orthèse dentaire à la place du compresseur. C’est pourquoi il est impératif que le médecin ait une certaine connaissance des orthèses dentaires et de leurs indications de façon à bien diriger le patient. Article paru dans L’actualité Médicale, Vol. 9 Nº 22, édition du 4 novembre 2009.

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